- Oct 3
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“Lovely Day”: Marriage, Anxiolytics, and a Knotted Gut
François Lévesque
4–5 minutes
Pour Alain, c’est un beau jour, un grand jour. Du moins, ce devrait l’être, puisqu’il se marie à Virginie. Or, dans les faits, Alain est en proie à une anxiété dévorante. Entre ses intestins noués par une maladie de Crohn dont il n’ose parler, la perspective d’une énième querelle entre ses parents divorcés et son incapacité à s’ouvrir de tout cela à sa fiancée, Alain est sur le point d’imploser. Son meilleur ami Édouard à ses côtés, voici que le marié se remémore des moments clés de son enfance et de son adolescence. Avec Mille secrets mille dangers, Philippe Falardeau adapte avec finesse, humanité et drôlerie le roman à succès d’Alain Farah.
L’auteur a d’ailleurs coscénarisé avec le cinéaste, ce qui a permis au film d’extraire la substantifique moelle du livre tout en bonifiant le récit d’éléments inédits (comme le confiait récemment le cinéaste au Devoir). Campé au sein de la communauté libanaise, le parcours aussi anxiogène que comique du protagoniste s’avère tout à la fois spécifique et universel.
Si plusieurs se sentiront interpellés par le thème de l’anxiété, que le film approfondit en trois époques, sans doute le thème de la famille et du rapport aux parents sera-t-il le plus fédérateur.
Reprenant la structure non linéaire du livre, le film se déroule dans un désordre qui n’est qu’apparent. Ainsi un événement survenu d’abord, mais présenté après coup, vient-il expliquer un développement ultérieur présenté en premier. De la même manière, les souvenirs fragmentaires, tels les morceaux d’un casse-tête qui s’assemblent graduellement, permettent de mieux comprendre Alain : d’où lui vient cette anxiété délétère, d’où lui vient cette sourde colère.
Toutes ces réminiscences qu’Alain garde en lui, et auxquelles il demeure accroché alors même qu’il devrait exulter de bonheur, symbolisent ce trop-plein qui lui gonfle les tripes. C’est ce qu’il réprime.
S’il espère enfin s’épanouir en tant qu’adulte, ce que représente son mariage à Virginie, Alain, un adulescent de 28 ans, devra accepter ce passé, faire la paix, puis se concentrer désormais sur ce qui se trouve devant lui.
En choisissant un cadre d’image serré, le réalisateur de Congorama, Monsieur Lazhar et My Salinger Year (Mon année Salinger), transmet habilement au public l’impression d’étouffement que ressent Alain. Pour autant, c’est plein de chaleur, de fous rires, et de ce bel esprit que l’on connaît à Philippe Falardeau.
Collaborateurs hors pair
Très solaire le jour, avec son abondance de reflets d’objectif (« lens flare » ou « facteur de flare »), et quasi magique la nuit, avec sa profusion de petites lumières, la formidable direction photo d’André Turpin (Incendies ; Mommy ; Simple comme Sylvain) aide le film à ne jamais trop sombrer dans la gravité (sauf, à dessein, lors d’un souvenir particulièrement dramatique se déroulant dans un crépuscule presque gris).
Chapeau également à la conception artistique incroyablement authentique d’André-Line Beauparlant (Les affamés ; Viking ; Bergers). Sans oublier le superbe travail de montage d’Elric Robichon (Isla blanca ; Festin boréal) ni la musique évocatrice et propulsive de Martin Léon (Guibord s’en va-t-en guerre ; Embrasse-moi comme tu m’aimes).
Philippe Falardeau a en outre réuni une distribution composée, exception faite de Rose-Marie Perreault et Paul Ahmarani, d’interprètes peu connus. Dans le rôle principal, Neil Elias est parfait de stress de plus en plus mal contenu, de nuances de détresse tue…
Dans le rôle d’Édouard, un jeune homme bien intentionné, mais manquant singulièrement de jugement, Hassan Mahbouba est savoureux. En père du marié, Georges Khabbaz exsude un mélange de sérieux et de tendresse vraiment touchant. Quant à Hiam Abou Chedid, elle est mémorable en mère superstitieuse (sa reprise a cappella de Mon amie la rose : grosse émotion).
Bref, vive les mariés, et vive Mille secrets mille dangers.


