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Peau à Peau : la critique du Devoir (****)

  • Photo du rédacteur: Elric Robichon
    Elric Robichon
  • 3 oct.
  • 2 min de lecture
Pénélope (Rose-Marie Perreault) dans Peau à Peau, de Chloé Cinq-Mars
Pénélope (Rose-Marie Perreault) dans Peau à Peau, de Chloé Cinq-Mars


«Peau à peau» : la maternité dans le sang

François Lévesque


Des pleurs de bébé déchirent la nuit. Une jeune femme ouvre les yeux : elle se prénomme Pénélope et paraît épuisée. À ses côtés, son conjoint dort. Elle lui demande d’aller s’occuper de leur enfant « pour une fois ». En vain. La mère se lève donc et, pour tromper la canicule urbaine, part se promener avec le poupon. S’ensuit un événement traumatique qui fera ressurgir le souvenir d’un autre drame. Graduellement, Pénélope sombre dans la paranoïa et les hallucinations. Avec Peau à peau, Chloé Cinq-Mars explore la dépression post-partum à travers un thriller psychologique aux accents horrifiques.


Lauréat à Fantasia du prix de la meilleure réalisation pour un film canadien, ce premier long métrage écrit et réalisé par la cinéaste a l’heur d’intriguer. Chloé Cinq-Mars se montre habile à distiller des indices juste assez cryptiques (symbolisme allusif, retours en arrière fragmentés) laissant présager que quelque chose dans le passé de Pénélope essaie de refaire surface. Parlant de « refaire surface » : l’eau est un motif récurrent dans le film.

Pour demeurer dans un champ lexical de circonstances : la protagoniste surnage à peine lorsqu’on la rencontre. La suite tient d’une lente et agonisante noyade présentée avec un mélange d’urgence et d’empathie.


À ce propos, bien qu’il s’agisse d’une pure fiction, la scénariste-réalisatrice a puisé une partie de son inspiration dans sa propre dépression post-partum, comme elle le confiait au Devoir.


Ainsi Chloé Cinq-Mars évoque-t-elle avec ingéniosité les sentiments simultanés, et croissants, d’aliénation, d’étouffement et de claustration, qui oppressent Pénélope. Dans ses déambulations nocturnes dans un appartement où les ombres semblent se refermer sur elle, lors de ses errances urbaines et sylvestres réelles et fantasmées, par l’entremise de gros plans de son visage de plus en plus angoissé, Pénélope est isolée au propre et au figuré.


L’ensemble foisonne de bonnes idées, comme ce plan du bébé à la bouche maculée de sang : la cause en est un mamelon blessé, mais l’image renvoie au vampirisme et constitue une manifestation physique du drainage que ressent — et ultimement nomme — Pénélope.

Rayon influences, ça va de A Woman Under the Influence (Une femme sous influence), à Repulsion (Répulsion), en passant par Suspiria.


Cauchemar culpabilisant

Habitée, fiévreuse, Rose-Marie Perreault (Les faux tatouages ; Mille secrets mille dangers) convainc de bout en bout.

Si l’on peut initialement trouver que la cinéaste force le trait quant à l’égocentrisme du conjoint et au manque de sensibilité de la belle-mère, on finit par prendre conscience que l’action est exclusivement relatée du point de vue de Pénélope. Or, considérant son état, ce point de vue n’est pas fiable. De fait, le regard devient plus nuancé à la fin.

Bref, là encore, c’est astucieux.

Idem pour cette sous-intrigue avec une ancienne flamme. Laquelle sous-intrigue permet d’évoquer « l’ancienne vie » passionnée d’une Pénélope qui, à présent, ploie sous un statut de mère qui la définit unilatéralement.


Et c’est au fond cela, le vrai cauchemar culpabilisant. À savoir que la maternité, ce bouleversement aussi profond que soudain, et obligatoirement merveilleux selon les diktats ambiants, peut, dans certaines circonstances, s’apparenter à un enfermement. D’où la force tranquille du dernier plan.


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